Domaine des Varenne
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Domaine des Varenne

Domaine des Varenne, de Domfront à Monein, de l'Alençon au Béarn...
 
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 Blondeur et ouverture de testament.

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Felian

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MessageSujet: Blondeur et ouverture de testament.   Blondeur et ouverture de testament. Icon_minitimeJeu 27 Aoû - 0:09

Les contours du château de Domfront s'esquissaient dans la nébuleuse matinale. Felian avait dormi dans une petit auberge alençonnaise avant de reprendre sa route à l'aube ; il serait parvenu au domaine avant midi. Le jeune homme, brun, dans sa cotte de velours bleu fleurdelisé attirait l'attention autour de lui. On devait avoir peu l'occasion de voir des hérauts, même lorsque Estelle de Varenne était encore de ce monde et tenait les caducées qui se trouvaient aujourd'hui dans ses mains. Felian y jeta un coup d'œil, ils avaient appartenu à celle dont il allait ouvrir bientôt le testament ... Machinalement, il porta la main à sa cotte, vérifiant que la lettre cachetée s'y trouvait bien, puis il repensa au moment où il avait reçu la lettre d'Eugénie de Varenne, à la chapelle Sainct-Anthoyne. Comme d'habitude il était assis dans son alcôve, une bouteille de vin de Touraine certainement proche, enfin qu'importe. Cette fois là il rédigeait une fiche généalogique, ou bien la corrigeait-il. Un page était alors arrivé et lui avait présenté la missive. Il eut un choc. Le choc ne fut pas d'apprendre la mort d'un femme, il ne la connaissait point, il avait lu tant de décès. Le choc provenait du nom qui s'agitait sur le papier, les lettres dansant sur le papier pour former un autre nom : Mnémosyne. Feue Estelle de Varenne, anciennement connue sous le nom héraldique de Mnémosyne. Et le voilà, lui, nouveau Mnémosyne qui allait au domaine de son prédécesseur pour ouvrir son testament ... De là à ouvrir le sien propre, il ne semblait y avoir qu'un pas. L'esprit de Felian en vint à vagabonder sur d'autres sujets. Pourquoi d'abord, l'avait-on nommé Mnémosyne ? C'était tout de même étrange que le Roy d'Arme lui eût donné un nom féminin. Félix Barrauld, déesse grecque de la mémoire ... C'en était presque risible. L'on eût pu nommer Leah Mnémosyne et lui Sylvestre. C'eût été certainement plus correct. Mais qu'est-ce que la correction ? Le dénommer Mnémosyne devait peut-être servir de leçon d'humilité.

Felian fut troublé dans sa réflexion par la voix d'un des deux gardes qui l'accompagnaient. Il trouvait le petit village de Domfront assez coquet et joyeux. Certes, certes. Le jour du marcher, un village est toujours joyeux. Ces Parisiens devraient sortir de leur cloaque puant de temps en temps ... Le clocher du village sonne sexte, pile ce que Felian avait prévu : ils arrivent aux portes du château.


Eh bien ? Qu'attendez-vous pour toquer ? Je ne fais pas une déclaration de guerre, je ne vais pas sonner du cor ...


D'où vient donc cette amertume qu'il ressent ? Voyons, il ne connaissait pas Estelle, si ce n'est par cette petite écriture sur les registres de la chapelle et sur ses notes et par les quelques objets qu'elle avait laissés dans l'alcôve. Le garde toqua, on ouvrit. Prenant un air grave convenant à une telle occasion, il dit :


Félix Barrauld, dit Mnémosyne, héraut d'arme royal ès généalogie. Nous avons reçu missive de la Dame Eugénie de Varenne nous annonçant le décès de sa sœur, Estelle de Varenne, jadis connue sous le nom héraldique de Mnémosyne, elle aussi. Nous sommes venus pour procéder à l'ouverture du testament.


Quelle solennité, ce jour là ça lui pesait énormément. Et que lui prenait-il de radoter comme dans une taverne sur le passé héraldique de la défunte, c'était d'un déplacé.
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Eugénie

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MessageSujet: Re: Blondeur et ouverture de testament.   Blondeur et ouverture de testament. Icon_minitimeDim 20 Déc - 2:04

On aurait pu la croire captive de ses murs autant que de sa douleur et de son deuil la blonde, recluse dans la plus haute salle de la plus haute tour de l'éperon rocheux qui domine la Varenne qu'est le château de Domfront. On aurait pu l'imaginer, virginale et évanescente, vêtue de blanc, percluse dans la mélancolie, vissée à son fauteuil, la mirette amandine et céruléene tournée vers l'Est et la foret d'Andaine.

Mais fi de l'affliction et du bourdon en ces jours alençonnais, le Béarn et son fiasco étaient loin pour l'heure. Vive et leste malgré cette blessure à la cuisse qui la faisait cloquediller gentiment, comme un pied de nez à cette guigne persistante, la Varenne puînée se gaussait à régenter une maisonnée qu'elle ne connaissait pas et qui jusqu'à il y a peu n'était pas sienne. Et déplacez-moi cette table ! Oui celle du salon, la très lourde en chêne ! Ah merci ! Vous êtes bien aimables, mais finalement elle était bien mieux là où elle était avant ! Remettez le portrait de Richard au dessus de la cheminée du Salon ! Pouah qu'il a l'air mal-aimable l'ancêtre, enlevez-moi ça de là et vite ! La vieille ! J'ai faim ! Un chapon, du Creusois et une bouteille de Poiré ! Presto ! J'ai les crocs !
La mesnie s'en étonnait, en riait ou en pestait à l'occasion de cette nouvelle petite maîtresse qui semait le branle-bas en Domfrontais, mais trop longtemps abandonnée à la tenue des lieux à l'aveuglette sans même une présence sénéchalesque pour la diriger, jamais ne s'en était plainte.

Elle devait procéder à l'ouverture du testament de sa défunte sœur ce jour, comme son ainée avant elle pour Richard, et c'était là la raison de sa présence en Alençon. Mais elle ne pouvait pas botter en touche cette fois, se réfugier dans cour, laisser sa sœur à la paperasse et taper nerveusement du bout du peton dans la caillasse, les mains derrière le dos, bougonne à se retrouver dans un duché qu'elle abhorrait à cause son profond ennui.
Unique héritière et capdau* Varenne, à elle maintenant les joies paperassières, signatures et autres appositions de scel en bas à droite des actes de legs mortuaires.

Le héraut généalogiste en la personne de Mnémosyne fut annoncé, et c'est un gloussement crétin et jaune qui sortit du gosier de la blondine, plaignant intérieurement -mais s'en amusant surtout- celui qu'elle croyait être une femme et qui portait le nom de la déesse de la mémoire comme sa sœur avant lui.

Makhila en main, tuteur basque pour blondinette bancale, la pointe en métal de sa badine claquait dangereusement sur le pavé domfrontais. Un autre rire, plus franc et sans complexe à constater que la Déesse de la Mémoire avait pris les traits d'un homme. Jeune, grand et le regard hyalin, mais un homme tout de même.


Planvenguts en lou castera de Domfront, berroy Mnémosyne !**



*chef de famille, en Béarnais
*Jolie, en Béarnais
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Felian

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MessageSujet: Re: Blondeur et ouverture de testament.   Blondeur et ouverture de testament. Icon_minitimeDim 20 Déc - 3:02

Ils sont longs à ouvrir, quand même, non ?

Felian jeta un regard froid au garde qui avait dit ça. Il ne pouvait cependant qu'acquiescer, c'était anormalement long ... Une coutume de deuil locale ? Un suicide collectif, à cause de la douleur que la perte de feue Mnémosyne avait provoquée ? Felian frissonna. Qu'est-ce qu'il lui prenait ? Ces frissons l'accompagnaient depuis Paris. Le temps ? Il n'y avait pas de raison. La fin de l'été était ensoleillée, la température supportable. La folie peut-être. Des idées étranges lui venaient, par moment, lancinantes. Elles s'approchaient timidement comme la marée baignant les pieds des promeneurs, sur la plage. De temps à autres, elles se faisaient plus hardies, puis leur intensité baissait, et elles redevenaient calmes, allusives. Quelle question ! la folie, à vingt-et-un ans ! Absurde. Cependant demeurait dans son esprit cette crainte de l'anormalité. C'était une crainte atavique, qui touchait tous les hommes, la crainte de perdre le contrôle de soi, d'être différent, de ne rien pouvoir y faire. Plus il y pensait, plus il prenait peur, et plus il enfonçait ce frisson au fond de lui, jusqu'à ce qu'il fût au plus profond de son cœur, submergé par le reste, oublié, comme le faisaient les autres.

La porte s'ouvrit ; Felian s'était encore perdu dans ses pensées. Une petite blonde, penchée sur sa canne, pas vieille pourtant, avait ouvert la porte. Elle parlait ce langage du Sud que le Montjoie utilisait souvent. Castera ... château surement, ou alors castration ... Domfront ... le mot d'avant était bien château. Mnémosyne ... aucun doute. Béroie ... c'était ennuyeux ... un titre de courtoisie, certainement. Une civilité peut-être. Maître ? Monseigneur ? Glorieux et lumineux roi des rois ? La jeune femme était du Midi. Ça devait être la dame de compagnie de Eugénie de Varenne, ou alors une servante quelconque. C'était étrange qu'elle parlât en Oc. L'Alençon était loin du Sud, et Varenne était un nom tout sauf méridional.

Felian descendit de cheval : il est inconvenant de parler à une dame juché sur sa monture. Il s'inclina promptement et, une fois relevé, fixa le regard d'Eugénie de Varenne.


Bonjour. Nous sommes Félix Barrauld, héraut d'armes royal. Nous souhaitons parler à Eugénie de Varenne. Auriez-vous l'obligeance de nous conduire à elle ?
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Eugénie

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MessageSujet: Re: Blondeur et ouverture de testament.   Blondeur et ouverture de testament. Icon_minitimeSam 26 Déc - 1:34

Les mirettes prasines s'ouvrirent tout grand l'espace d'un instant. Mais Eugénie de Varenne, c'était elle ! "Là devant toi maraud ! En chair et en os ! En chair surtout ! Bourse molle !" fut la première pensée qui l'assaillit. On l'avait prise à l'occasion pour une coureuse de remparts, une fille des rues, des chemins, un coupe-jarret, une gentille et jolie niaise toute disposée à ouvrir ses cuisses comme une fleur au premier venu -ce qui était fort utile pour parvenir à ses fins-, mais une suivante, une bonniche, une souillon, jamais !

Elle allait donc pour ouvrir sa jolie et grand bouche - ce qui, on en conviendra, compensait largement sa petite taille-, pour savamment chanter pouilles au butor sur équidé et mettre à mal le grossier malentendu mais la malice et le jeu qui faisaient son quotidien alençonnais reprirent le dessus.
Il était vrai qu'elle était vêtue d'un surcot simple, que la natte qui disciplinait la toison d'or était bien plus défaite que faite, il était vrai qu'elle avait baragouiné en Béarnais et que pour l'esprit limité des parisiens, patois équivalait à pécore sans éducation ni entendement.

Il fallait donc punir l'ostrogoth, lui fermer la malle à préjugés poussiéreux et lui ouvrir l'esprit oui. Les tourments qu'elle pourrait lui infliger éclataient comme des grains de maïs sur poêlon rougeoyant dans sa caboche de jeune conne.
Et comme elles gueulaient ces petites graines sautillantes au cul rouge et graisseux ! "Choisis-moi ! Choisis-moi !" Mais il n'en fallait en choisir qu'une, l'agrémenter délicatement de sel, la croquer et la faire couiner sous la molaire.

Une avancée de makhila, un pied en avant, puis l'autre, un makhila, un peton puis l'autre. Trajectoire circulaire, allant clopin-clopant, la blondine tourna autour du Héraut, le détailla. A l'attaque frontale, elle préférait maintenant l'estocade sournoise qui mettait à mal l'adversaire sans même qu'il sache d'où venait le coup.

Elle fit signe au palefrenier de s'occuper des canassons et de mener les chevaucheurs d'armes aux cuisines afin qu'ils puissent se sustenter, scruta encore le Barraud, peinant à contenir un rire amusé et taquin qui trahirait ses vilaines intentions.


Soulidé, soulidé berroy Moussu Mnémosyne ! Ça-biétz !*

Elle le prit alors par la main, façon très familière s'il en fut de l'entrainer à l'intérieur de la forteresse qui résista aux mains assauts de la vile Alcyon, enjambant à trois gambettes le colimaçon étroit et dérobé menant jusqu'au salon où l'on procéderait à l'ouverture du testament de la défunte.

Installez-vous, ma maitresse va venir. dit la blondinette avec un fort et approximatif accent béarnais, tranformant les "u" en "ou" et les "r" en tempêtes gutturales, laissant là le jeune brun, le fondement posé dans un fauteuil, écrasé par le regard d'acier de feu Richard de Varenne dont le portrait avait été accroché au dessus de l'imposante cheminée en pierre blanche pour l'occasion. Elle referma la porte derrière elle sans bruit, jeta une dernière fois une œillade fripouille au jeune héraut et fila à grandes enjambées et à grands renforts de pointe métallique qui claquait bruyamment sur la pavasse domfrontaise en direction de ses appartements, gueulant par la même le nom de la vieille camériste.


____________________________

*Bien sûr, bien sûr joli monsieur Mnémosyne ! Venez !
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Felian

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MessageSujet: Re: Blondeur et ouverture de testament.   Blondeur et ouverture de testament. Icon_minitimeSam 26 Déc - 3:17

La femme avait un air étrange. Cela était peut-être dû à sa démarche de grabataire. Il ne lui manquait plus que les rides pour ressembler à s'y méprendre à quelqu'une de ces vieilles aïeules enfermées dans leurs fermes, sèches, voûtées, et qui faisaient à manger du potage à la maisonnée qui travaillait au champ. La voir tourner autour de lui, l'inspectant, le scrutant sous tous ses côtés rendait Felian mal à l'aise.

Lorsqu'il voulut demander à l'Ingénue ce qu'elle faisait, celle-ci lui adressa la parole dans le langage rugueux et sec du Midi qu'elle avait utilisé un instant auparavant. Felian aurait juré que l'accent avait changé, comme s'il avait été plus prononcé. Il se dit finalement qu'il n'était pas assez connaisseur des langues mauresques pour bien juger. La blonde ajouta à sa surprise en le tirant par la main sans ménagement, comme l'eût fait une petite fille, ou une soeur. C'était déplacé. Il n'y avait que les barbares du Sud pour ainsi méconnaître les principes fondamentaux de la civilité. Étonné, Felian se laissa conduire dans le corps de logis, gravir un escalier en colimaçon et pénétrer dans un salon. La Varenne tira le héraut rapidement, l'enfonça dans un fauteuil et lui dit dans la parladure septentrionale d'attendre que Eugénie arrivât. Étranges manières pour une servante. La maison devrait mieux choisir ses serviteurs ! Assez désappointé, Felian fit courir son regard sur le salon. Bleu partout, c'était assez intime, ça convenait peut-être peu à la situation ... La Varenne en pleurs serait peut-être choquée par l'impudence de la servante à installer le héraut dans un lieu aussi chaleureux, alors que le moment était aux gémissements et aux cendres sur le chef. Le regard mnésique se posa sur une série de tableaux au-dessus de la cheminée. La famille Varenne au complet. Feu le frère, massique, le regard acéré, inquisiteur. Feue la soeur, identique, glaciale. En définitive, la Varenne ne pleurerait pas. Elle serait froide, droite comme un piquet, aussi hautaine que ses aînés. Le regard de Felian se posa sur un troisième tableau. Le jeune femme peinte lui rappelait quelqu'un, mais il n'arrivait pas à voir qui. Jamais il n'aurait pensé à la servante de l'instant précédent. Jamais, dans son esprit, la Varenne n'eût pu être autrement qu'éplorée ou trop prétentieuse pour se faire passer pour une subordonnée. En outre, il eût fallu que Felian eût observé un minimum le visage d'une servante qu'il n'appréciait pas pour ses manières. C'était impossible. Eugénie de Varenne se contenta de lui rappeler de loin en loin quelque chose qu'il ne pouvait saisir.

Felian soupira. Il fallait se préparer, que tout fût prêt avant que l'Ingénue arrivât. Pleine de morgue comme il pensait qu'elle serait, il faudrait éviter de la froisser. Felian sortit donc de quoi écrire : plume, papier, encre. La matrice de son scel, de la cire, une bougie et le testament de feue Estelle de Varenne. Bien, commençons ...

De profundis clamavi ad te, Domine.
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Eugénie

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MessageSujet: Re: Blondeur et ouverture de testament.   Blondeur et ouverture de testament. Icon_minitimeJeu 1 Avr - 2:26

Il était toujours étonnant de constater à quel point l'Ingénue pouvait être retorse quand il s'agissait de géhenner avec malice le pauvre fol qui avait bien malgré lui, ou pas, froissé sa susceptibilité. Fascinant de voir quels stratagèmes ingénieux elle mettait en place pour porter le coup bas qui achéverait son adversaire par une surprise la plus totale alors qu'elle était d'ordinaire d'une si bonne composition qu'elle hésitait toujours longuement à rendre les coups portés par devers comme par devant, ce qui en d'autres temps qui n'étaient pas lointains lui valut sa perte.

Tandis que la lourde porte se refermait dans un grincement sinistre sur un Félix Barraud tout occupé à disposer devant lui la panoplie du parfait petit héraut généalogiste, la blonde à trois guiboles, elle, courrait cahin caha en direction des appartements de feue sa sœur, mugissant de sa voix si fluette le prénom de la vieille camériste désœuvrée du Domfrontais.

Les ricanements crétins s'élevaient dans les appartements de la Blondeur où rien n'avait été déplacé jusqu'à lors et où la poussière coulait des jours heureux, bien à l'abri dans les replis de la pléthore de froufrous de la défunte coquette. La robe à passer ne fut pas choisie après moultes hésitations, mais s'imposa comme une évidence. Oui, la marron à l'encolure et aux lacets du cuir du même, que sa sœur appelait fièrement "sienne". Celle-là même qu'elle enfila à grand peine, plus petite mais aussi plus pourvue en attributs charnus féminin que feue sa sœur. La blonde ainsi vêtue montrait du monde au balcon alors que de son vivant son aînée avait bien du mal à remplir l'encolure carrée.
Vint ensuite le choix des bijoux, une évidence, encore. La camériste se saisit prestement du lourd et imposant collier d'or et d'émeraudes fétiche de sa sœur, celui-là même avec lequel elle aimait autrefois se pavaner dans les festivités où elle aurait l'assurance de trouver bon parti et le passa au cou de sa jeune maïtresse.
Poussant le mimétisme à l'extrême, sa lourde chevelure ondulée fut enserrée dans le même chignon sévère qui disciplina jadis celle de sa sœur, alors que l'on ouvrait le testament de Richard dans le même salon où Mnémosyne attendait patiemment que la Gégénne daigne se pointer. Sacrifice ultime, elle troqua la bergamote contre le sillage de mûre rance qui faisait la touche inimitable de la virago Varenne.

Même grincement lugubre qui ajouta à l'austérité feinte de l'espiègle. La porte s'ouvrit cette fois sur la réplique parfaite -à quelques rondeurs près et centimètres en moins, on ne va pas chipoter- d' Estelle de Varenne. La bobine haute, un regard faussement supérieur à l'intention du jeune brun, et se mordant l'intérieur des joues à s'en faire saigner, elle prit place et annonça froidement, sur un ton des plus péremptoires signifiant que les corps de sa parentelle pourrissaient et qu'elle n'avait pas que ça à faire, et ce dans un français sans la moindre accroche béarnaise:


Nous pouvons commencer, jolie Mnémosyne.
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DameBlondeur
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MessageSujet: Re: Blondeur et ouverture de testament.   Blondeur et ouverture de testament. Icon_minitimeJeu 1 Avr - 17:32

Il est des couples tyranniques qui ont marqué l’histoire ou notre imaginaire : le Marquis et la Marquise de Sade, la Marquise de Merteuil et le Vicomte Valmont, Adolf Hitler et Eva Braun, Staline et Nadega Allilouïeva, Morticia et Gomez Adams… Et dans le royaume des morts du Royaume de Levan le Troisième, très humblement, Perturabo de Louvelle et Estelle de Varenne. Après s’être promptement injuriés, calomniés, taquinés, titillés, frappés, maudis et détestés ils s’étaient tout bêtement retrouvés et depuis, ne se lâchaient plus. A nouveau on voyait aux côtés de l’inquiétante prestance du Louvelle la hautaine et rachitique Blonde, échangeant des commentaires perfides lors des réceptions, assis en tête à tête dans une taverne glauque, complotant dans les alcôves des châteaux, s’éclipsant en silence faire on-ne-sait-quoi plusieurs heures… Mais on les voyait aussi à nouveau s’injurier comme des charretiers sans crier gare, on voyait à nouveau la Blonde donner des claques magistrales, le Louvelle lui lancer ce fameux regard plein de mépris, on entendait à nouveau les portes claquer et les mots fleuris voler… Ah oui, comme au bon vieux temps. Mais si leur histoire avait été explosive de leur vivant elle l’était encore plus de leur mort : ils se détestaient encore plus mais savaient s’aimer encore plus, unis envers et contre tous, unis envers et contre eux-mêmes, pour le meilleur et surtout pour le pire. Mais qu’importe, ils avaient aussi de nouveaux projets d’avenir commun : faire à eux deux un baby boom de bébés fantômes et surtout, surtout surtout, régner sur le royaume des morts.

C’est en pensant à ce nouveau projet que l’ectoplasmique Blonde ce jour là tenait entre ses mains un velin avec une liste de noms grifouillée dessus. Son meilleur ennemi – a savoir son Louvelle – l’avait passablement vexée la veille, en lui disant quelle ne comprenait rien aux histoires d’armes. Bien sur quelle ne comprenait rien aux histoires d’armes ! Mais évidemment qu’elle n’aimait pas, l’altière Estelle, qu’on le lui fasse remarquer. Alors là, face à son velin, elle exultait, elle tenait sa vengeance ! Ils avaient commencé à recruter quelques fantômes de main, un peu au hasard, jugés au nombre de cicatrices, la taille des muscles et la longueur de la barbe. Il faisait le coq, le Louvelle, à se vanter de tenir des bons hommes forts. Et bien l’Estelle, vexée, avait remplacé ces hommes par les plus vieux grêlés qu’elle avait pu trouver, dont un manchot et un unijambiste et avait en plus envoyés les hommes forts et couverts de cicatrices s’arsouiller dans la taverne la plus proche aux frais du Louvelle. Et c’est comblée quelle imaginait la tête qu’allait tirer le Duc en voyant ses mister muscles remplacés par des grabataires lors de l’entraînement de l’après-midi. Un petit calembour, un petit coup bas dont son Ordure identifierait rapidement l’initiatrice, qui allait aussi pimenter un peu leur éternité et de plus, allait lui rappeler qu’il vivait avec la plus génialissime et mesquine des blondes. Non mais ho.

Satisfaite, elle fourra l’ectoplasmique parchemin dans son ectoplasmique décolleté toujours aussi peu fourni et pris son envol vers Domfront ou l’attendait un événement qu’elle n’aurait raté pour rien au monde : l’ouverture de son testament. L’Estelle allait aussi revoir sa sœur qui, il faut l’avouer, elle avait un peu négligée depuis ses retrouvailles avec le Louvelle… Elle avait oublié combien ils savaient s’accaparer tous les deux. Le cœur doublement en joie de revoir ce petit bout de femme qui, elle en était sûre, aurait toujours ce don d’autant l’exaspérer que la faire rire et l’attendrir le voyage passa assez rapidement. Ce fut un sourire qui barra son visage à la vue de la demeure familliale… Et un froncement de sourcil en voyant le branle-bas de combat voir même la joie des gens de Varenne. Sa sœur les avait-elle amusés ? Froissée elle était la Blonde, elle qui avait toujours pris un malin plaisir à les martyriser et à faire régner une atmosphère de terreur, voir austère, dans cette demeure quelle aimait gouverner de sa main de fer même pas cachée dans un gant de velours.

C'est l'allégresse de la mort dans l'âme quelle vola vers la salle de l'ouverture de testament. Là, un héraut. Elle fronce le nez puis les sourcils. Etait-ce ce pleutre non couronné qui la remplaçait? Elle l'avise, le détaille de pied en cap, se poste devant lui et laisse filer un "tssss" très audible pour ceux qui comme elle ont quitté le monde des vivants mais aiment telleeement venir enquiquiner les vivant. Alors, car on ne change pas les gens, elle relève le menton et le toise une dernière fois de ses yeux gris.


- « Fils de rien ! »

Toujours aussi théâtrale même si les protagonistes sont dans l'impossibilité de la voir elle tourne les talons et vole doucement vers sa sœur. Qui porte sa robe fétiche ET son collier tout autant fétiche pour lequel elle s'est accessoirement endettée et qui l'a un tout petit peu poussée vers la cleptomanie pour rembourser les créanciers. Au tour de sa sœur de passer sous le crible de l'impitoyable regard Estellien. Mais c'est quelle est mignonne la petite! Et cette poitrine! N'est-ce pas fou la génétique? Alors quelle était née plate comme une limande voila sa sœur tout en courbes féminines et gourmandes. Et ce français, ce beau français! Enfin elle s'était décidée à ne plus baragouiner dans ces dialectes régionaux ô combien vulgaires... C'est quelle devenait bonne a marier l'Ingénue et elle serait surement bien plus féconde quelle. La petite Varenne venait sans le savoir de rassurer l'anxieuse ectoplasme: Varenne avait un avenir dans ces jolies hanches! Alors là, heureuse comme on ne peut l'être que lorsqu'on sait que l'on a l'éternité devant soi elle attrape sa sœur dans ses bras.
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Felian

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MessageSujet: Re: Blondeur et ouverture de testament.   Blondeur et ouverture de testament. Icon_minitimeJeu 15 Avr - 1:33

Le mobilier de la pièce avait été consciencieusement passé en revue : quelques faudesteuils, des commodes, des glaces, de multiples guéridons avec force vases fleuris, des chandeliers, des tapis, des tapisseries d'Arras, quelques tableaux, dont la fameuse famille Varenne au complet. Felian avait tout détaillé : le parquet grinçant, la porte grognante, les issues masquées, les quelques fenêtres, le mur bleu et ses quelques imperfections. Il faut dire qu'on lui avait laissé le temps. L'on ne semblait pas trop pressé d'en finir ; en fin de compte, la Varenne pleurait peut-être et ne souhaitait pas laisser voir son désarroi au Tourangeau.

Pour la troisième fois, le héraut se leva. Après un regard vide embrassant la pièce, il se laissa dériver au gré de ses jambes et s'approcha de la série de tableaux. Peinte dans un cadre ovale, la froide Estelle, habillée de brun, parée d'un collier d'or et d'émeraudes, les cheveux maintenus par un chignon qui la faisait passer pour quelqu'une de ces vieilles filles desséchées. Le regard hautain se posait sur Felian qui, l'espace d'un instant, eut l'impression que la défunte se trouvait derrière lui et lui crachait dessus son mépris. Le héraut se retourna d'un coup, des sueurs froides lui coulant entre les omoplates. La sensation s'était arrêtée. Moins assuré qu'il ne l'était quelques minutes auparavant, le bâtard fils de rien se dirigea lentement vers la table où il avait déposé ses affaires. À se moment là, le grincement strident des gonds de la porte envahit la pièce et la réplique miniature de la dédaigneuse Estelle se présenta, théâtrale, glaciale. Felian tourna la tête et s'apprêtait à afficher un air grave de circonstance, mais ce fut le décontenancement qui prit place : il ne s'attendait pas à voir un revenante. L'étrange sensation lui revint, dans son esprit défilèrent les caractéristiques d'Estelle de Varenne : froide, sombre, le collier d'or et d'émeraudes, le chignon. Pendant quelques secondes, il resta planté, abasourdi. Dans sa tête tournaient tel un maelström des idées confuses : revenante ? pas morte ? exactement pareille. Puis, considérant les volumineux appas de la Varenne, il comprit qu'il y avait là une tromperie sur la marchandise. Son visage se ferma peu à peu et, l'air suspicieux, il scruta la blonde, s'attardant plus que nécessaire sur la gorge charnue et féminine. Il manquait quelques pouces en hauteur, et assurément, il y en avait trop sur la largeur. Après avoir jeté un coup d'œil au portrait de la défunte, il conclut qu'il devait avoir devant lui l'héritière. La pauvre folle devait avoir perdu la raison avec la mort de sa sœur. Son amour pour elle devait la pousser au mimétisme.


Je vous en prie, ma Dame. Avez-vous des témoins ?

Il fallait avancer à pas comptés : il y avait anguille sous roche. Quelque chose dans le visage d'Eugénie de Varenne lui semblait déjà vu, mais il n'arrivait pas à saisir ce qu'il en était. Dans l'attente dans savoir un peu plus, il fallait être mesuré.
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Perturabo

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MessageSujet: Re: Blondeur et ouverture de testament.   Blondeur et ouverture de testament. Icon_minitimeVen 30 Avr - 0:14

Même dans la mort, l'instinct de conservation existe et remplit chaque fibre immatérielle des citoyens de l'au-delà, et se traduisait inévitablement par des séances d'escrime ou de combat à mains nues, pour ne jamais cesser d'éviter la décollation ou la mutilation de membres au cours d'un duel. Ne nous voilons pas la face, jamais les entrainements nobiliaires au maniement des armes n'ont servi à autre chose que de se protéger la vie, bien avant que de s'exhiber en public avec talent et beauté.

Perturabo de Louvelle fulminait ce jour-là, qui ressemblait étrangement à tous les précédents fort à propos, car l'escorte de guerriers défunts qu'il s'était constitué pour ses passes d'armes n'était que le simulacre le plus abject des invalides les plus aboutis pour lesquels les choses de la guerre ne les concernaient plus. Dieu seul savait, ou plutôt non, lui seul savait, car dans ce royaume où se mêlent et se confondent au gré du temps enfer lunaire et au-delà aristotélicien, le Duc s'était tant fait rejeté d'un bord que de l'autre pour être sous l'emprise d'un plus Puissant, ou peut être que ses deux bords n'existaient pas ou que le seul Dieu dans la mort était son Estelle, ou peut être que ...

Bref, fort contrarié d'avoir sué comme un veau dans l'exercice sérieux de l'entretien de ses membres en préalable à toute séance d'escrime, le Duc seul savait par quel honteux moyen il avait su que sa mie avait mis de l'ardeur à bouleverser son quotidien. Le teint à demi colérique, il se présenta aux portes du château de Domfront dans un état vestimentaire lamentable (passons sous silence sa chemise empestant l'homme). Et la vision horrifique du domaine raviva dans sa mémoire d'anciens souvenirs pour lesquels il n'avait plus eu de pensées depuis une éternité ...
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